CE QUE CETTE NATURE TE DIT de Hong Sang-soo
- Jérémie Prigent
- il y a 4 jours
- 3 min de lecture
LE MOT : ÉLÉGIE

Le 33ème film du plus Rohmérien des réalisateurs Sud-Coréens est un énième bonbon acidulé pour les aficionados du maître mais également une parfaite porte d’entrée pour découvrir le riche et vaste univers de ce prolifique cinéaste.
Le pitch annonce une comédie douce amère : le jeune Donghwa rencontre, l’espace d’un jour et d’une nuit, la sœur et les parents de sa petite amie Junhee, dans la magnifique maison familiale, nichée dans un vaste jardin vallonné. Donghwa, fils d’un grand avocat dont il refuse toute aide financière, est un poète indépendant et adapté à une vie de galère, ses beaux-parents, à l’opposé, affectionnent leur confort matérialiste. Rencontre explosive et malaisante à venir.
Nous sommes en terrain connu : à l’aide de sa petite caméra, sa mise en scène, toujours composée de plans fixes (avec quelques pointes volontaires de flou à l’image, qui rappelle avec parcimonie le grandiose “in water”) , laisse les personnages s’exprimer, s'enivrer d’alcool et se découvrir petit à petit. Son acteur fétiche Kwon Hae-Hyo est de la partie, la bande son, le montage et la photographie, tout est l’oeuvre de Hong Sang Soo, qui n’a besoin que de 8 jours de tournage pour rendre une copie incroyablement maîtrisée.
Terrain connu ? En apparence seulement…Car, jamais, dans les rapports humains, son cinéma n’avait été aussi violent, cruel et drôle à la fois.
Tout comme le personnage d’Isabelle Huppert dans “la voyageuse”, (film précédent de HSS dans lequel flottait déjà une atmosphère poétique), Donghwa respire l’authenticité, la liberté, il paraît en faire des tonnes pour plaire notamment à son beau père lors d’une hilarante séquence dans le jardin, puis va se laisser aller et tomber dans l'inévitable toile qu’il s’est tissé lui-même, à l’aide d’une poésie récitée d’une manière pathétique et de verres d’alcool de riz ingurgités de manière frénétique.
L’intelligence, la finesse et la minutie de HSS dans l’étude des comportements humains se manifeste par une certaine bienveillance envers Donghwa, qui, tout en se donnant en spectacle à sa belle famille, avide de le juger, dans une première lecture universelle de lutte des classes sociales et familiales, parvient, dans une autre lecture, à nous émerveiller sur la contemplation de Donghwa sur les petites choses de la vie, et notamment sur la Lune, lors d’une séquence nocturne magnifique et douce, arrivant juste après un court sommeil réparateur (thème qui revient souvent chez HSS.omment ne pas penser à “seule, sur une plage la nuit”) comme l’éveil cotonneux d’un songe, reflétant la psyché du jeune poète, devient lui-même pure poésie, pure élégie, il est à l’écoute de ce que la Nature lui dit et le film prend une intonation touchante, émouvante, fascinante.
La filmographie de Hong Sang Soo est un perpétuel et cohérent miracle de justesse d’analyse sur le sens de la vie, sans jamais juger ni condamner ses personnages, sans jamais donner de réponse, en laissant aux spectateurs le choix de l’émotion, de la réflexion, de l’ouverture sur d’autres réalités parallèles.
Cerise sur le soju : par petites touches, plus le temps passe et plus HSS s’autorise quelques libertés artistiques sur ses œuvres récentes, très bon présage pour la suite de sa foisonnante carrière, à commencer par le prochain “by the stream” ?
Récompensé au festival de Locarno 2024 par le prix de la meilleure actrice à Kim Min-Hee (égérie, complice artistique et épouse de HSS), à l’heure actuelle le film cherche un distributeur. A bon entendeur…




Commentaires