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LES ENFANTS VONT BIEN de Nathan Ambrosioni

  • Zoé Grandcolas
  • il y a 4 jours
  • 3 min de lecture

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LE MOT : CONFUSION

Nathan Ambrosioni continue de surprendre par sa finesse, sa sensibilité et son regard profondément intime. Sans revenir sur son âge — on l’a trop entendu — il faut reconnaître qu’à 26 ans, il maîtrise déjà un art d’une maturité impressionnante. Après TONI EN FAMILLE, il explore à nouveau le thème de la cellule familiale, mais cette fois à travers un manque, une absence qui ouvre le film comme une déflagration.


Une disparition volontaire comme point de départ. 


L’histoire s’ouvre sur le départ brutal de Suzanne (Juliette Armanet), qui laisse derrière elle ses deux enfants, Gaspard et Margaux, ainsi qu’une simple lettre adressée à sa sœur Jeanne (Camille Cottin).

L’incompréhension, d’abord totale, laisse place à la nécessité : Jeanne doit prendre en charge ces enfants, sans savoir pourquoi Suzanne est partie ni si elle reviendra.


Ambrosioni met en lumière un sujet rare au cinéma : la disparition volontaire. En France, un adulte a le droit de disparaître sans laisser de traces. Mais que devient la famille laissée derrière ? Quel droit ont les proches ? Et surtout : que deviennent les enfants, les véritables victimes de ce choix ?


Dans les premières minutes, Juliette Armanet « crève » l’écran par son détachement, presque comme si son départ était déjà inscrit, inévitable. Une présence brève, mais fondatrice.


Jeanne : une maternité imposée.


Camille Cottin livre une performance bouleversante. Jeanne ne comprend pas ce qu’elle vit, se heurte à une justice impuissante.


Elle devient une figure maternelle du jour au lendemain, sans l’avoir choisi, face au 

« choix égoïste » de sa sœur. Elle lutte pour expliquer l’inexplicable aux enfants, organiser leur quotidien, tout en affrontant sa propre colère, sa fatigue, une responsabilité qu’elle doute endosser et son absence de désir d’être mère.

Ses moments de craquage, loin du regard des enfants, sont parmi les plus puissants du film.


Manoâ Varvat et Nina Birman forment un duo d’une justesse exceptionnelle.

Ambrosioni filme leurs réactions avec une simplicité désarmante : Margaux (Nina), la plus jeune, oscille entre tristesse et besoin de se rattacher à des figures féminines autour d’elle : Jeanne, mais aussi Nicole (Monia Chokri). Son rejet initial de Jeanne n’est que le reflet d’un chaos intérieur impossible à verbaliser.

Gaspard (Manoâ) exprime autrement sa détresse : il recommence à faire pipi au lit, décroche à l’école, finit même par frapper une camarade. Une scène particulièrement forte le montre incapable de lâcher le téléphone, persuadé que sa mère va appeler. Il restera assis avec ce téléphone à la main, attendant le moindre signe de sa mère. Il finira utiliser le prénom de sa mère Suzanne au lieu de maman lorsqu’il parle d’elle.


Ces deux regards d’enfants perdus donnent au film une puissance émotionnelle rare. Un chaos silencieux, profondément humain. 

Ambrosioni excelle dans la manière de filmer ce qui ne se dit pas : les non-dits, les regards, la colère rentrée, l’espoir qui s’éteint.


La dernière scène, où Jeanne et les enfants viennent vider l’appartement de Suzanne, marque profondément.

C’est le moment où le déni cesse, où l’absence devient définitive.

Gaspard enfermé dans sa chambre, en larmes, donne au film l’un de ses sommets émotionnels : effacer un passé pour entrer malgré lui dans une nouvelle vie.


LES ENFANTS VONT BIEN interroge l’empathie, la résilience, mais aussi cette question que tout spectateur se pose :

“Qu’est-ce que je ferais, moi, à la place de Jeanne ?”

C’est un drame intime, qui bouleverse une multitude de personnages, chacun avançant différemment dans une douleur commune.



 
 
 
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