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INTERVIEW DE CHARLOTTE DEVILLERS, co-réalisatrice de ON VOUS CROIT

  • Louise Devillers
  • il y a 2 heures
  • 14 min de lecture
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LE MOT : LUTTE


En octobre 2025, LE DERNIER MOT DE TROP a eu la chance de découvrir en avant-première On vous croit, le premier long-métrage de Charlotte Devillers et Arnaud Dufeys. 

On vous croit nous plonge dans la journée d’une “mère protectrice”, une mère qui protège son enfant en le soustrayant à la personne qui lui fait subir des violences sexuelles, en l'occurrence, le père. Et pas n'importe quelle journée, puisqu'il s'agit de la journée d'audience au tribunal. 
On vous croit, c’est le combat d’une mère qui tente de faire entendre la voix de son fils, de faire entendre la vérité. 

Charlotte nous a fait l’immense honneur d’accepter de nous rencontrer pour une interview.

Louise : Bonsoir Charlotte, toute l'équipe du DERNIER MOT DE TROP est ravie de te recevoir. 

Tu es infirmière, scénariste et co-réalisatrice avec Arnaud Dufeys du film On vous croit, qui va sortir le 12 novembre 2025.


Charlotte : Bonsoir, merci beaucoup pour l’invitation !


Louise : Pour ma part, j'ai complètement découvert la réalité des procédures judiciaires liées à la protection de l'enfance, à l'inceste plus particulièrement, et j'ai aussi découvert l'amplitude du sujet. En introduction, j'ai donc pensé qu'une petite mise au point était incontournable. 


“En France, 160 000 enfants sont victimes chaque année de violences sexuelles. (...) 1 enfant toutes les 3 minutes est violé. (...) Dans 97% des cas, l'agresseur est un homme. (...) Dans 81% des cas, l'agresseur est un membre de la famille, le plus souvent le père (27%). Une plainte n'est déposée que dans 19% des cas (dans 12% des cas d’inceste). Seul 1% de ces cas font l'objet d'une condamnation. (...) Près d'un enfant sur deux (45%) qui révèle les violences au moment des faits n'est pas mis en sécurité et ne bénéficie pas de soins. (...) Parmi eux, 70% ont pourtant été crus lorsqu'ils ont révélé les violences.”


Ces données glaçantes sont issues du rapport de 2023 de la Commission Indépendante sur l’Inceste et les Violences Sexuelles faites aux enfants (CIIVISE). Ce rapport porte le nom Violences sexuelles faites aux enfants : on vous croit. Est-ce que ton film, dont le titre reprend les mots “On vous croit” s’inscrit dans la continuité de cette publication ? Est-ce que tu peux nous dire deux mots sur la CIIVISE et sur ton lien avec elle ?


Charlotte : Merci de rappeler les chiffres, car ils sont édifiants. Ils font peur, mais il faut les entendre, notamment ce chiffre de 160 000 enfants par an en France. 


La CIIVISE, c’est une commission qui a été co-présidée par le juge Durand notamment, et d’autres acteurs très engagés dans la protection de l'enfance comme Arnaud Gallais, Ernestine Ronai… 


La première fois que j’ai entendu le juge Durand, c’était dans un documentaire qui s'appelait Bouche cousue de Karine Dusfour. J'ai été très étonnée qu'un juge puisse avoir cette bienveillance envers les enfants. J'ai commencé à suivre son travail et c’est comme ça que j'ai découvert la CIIVISE. 


“On vous croit”, c’est un slogan qu'on a vu sur les murs, dans la rue. Pour Arnaud et moi, reprendre ce slogan était une évidence.


On a participé à quelques rencontres organisées par la CIIVISE, qui se déplaçait de ville en ville pour donner la parole aux personnes qui avaient subi des violences dans l’enfance. Peu à peu, j'ai rencontré différents membres de la commission. Puis j'ai parlé au juge Durand de mon projet de film. Il a suivi le projet tout du long. On a fait une projection en sa présence au cinéma Le Méliès à Montreuil. C'était extrêmement chouette. 


Louise : Le juge Durand a été écarté de la CIIVISE. Pour quelle raison ?


Charlotte : Le système est tellement cadenassé… Je pense qu’il gênait. On ne veut pas entendre la vérité, c’est-à-dire l'horreur révélée par les enfants. Personne n'a envie de se confronter à ça. 


La première CIIVISE a établi 82 préconisations sur différents thèmes : la protection des enfants, la prévention, la formation des personnels… C'est un énorme travail fait par des gens qualifiés (des travailleurs sociaux, des professionnels de la justice) et des victimes, qui, en quelque sorte, a été mis à la poubelle. Il n'a presque pas été repris dans la deuxième CIIVISE, encore moins dans la troisième. Aujourd’hui, ces 82 préconisations sont vues comme des conseils. Elles n’ont pas de poids légal.


Louise : Arnaud et toi, vous vous êtes entretenus avec de nombreuses mères protectrices et avocats pour écrire On vous croit. Combien de temps de recherche cela a nécessité ? Et plus globalement, combien de temps aura-t-il fallu entre l'idée, l'écriture et le tournage ? 


Charlotte : C’est allé assez vite car le film a obtenu une subvention d’un dispositif belge qui laissait deux ans pour réaliser le projet. Cette contrainte de temps était intéressante pour la création car elle correspondait bien à l'urgence de la situation. Ça nous a motivés et nous a permis d’avoir une écriture assez directe et franche.


On a obtenu un partenariat avec le groupe Ouest, qui propose une résidence d'écriture aux alentours de Brest. Ce temps de travail nous a permis de réfléchir à comment transmettre notre colère au personnage de la mère, Alice.


On a souhaité travailler avec la justice. Les trois avocats qui jouent dans le film sont de vrais avocats, celui du père, de la mère et des enfants. 


Louise : Le troisième avocat, c’est l’avocat des enfants ? Pourtant, il n’a pas l’air de les comprendre…


Charlotte : Oui, c'est l'avocat des enfants. Ce sont souvent des avocats commis d'office. 

Dans On vous croit, il ne les comprend pas en effet… Et encore, certaines mères protectrices témoignent d’avocats bien pires.


Les deux autres avocates, Alisa Laub et Marion de Nanteuil, militent pour la protection de l'enfance en Belgique. C’était vraiment chouette de travailler avec elles.


Louise : Ces trois vrais avocats, vous les avez briefés avec Arnaud ? Ou ils ont dit ce qu'ils auraient vraiment dit en audience ?


Charlotte : Le scénario était très écrit. On a demandé aux comédiens Myriem Akheddiou, la mère, Laurent Capelluto, le père et Natali Broods, la juge, d’être fidèles au texte. On a procédé différemment pour les avocats. On leur a présenté leur texte, et on leur a tout de suite demandé de l’oublier, de ne garder que l'idée et de préparer un plaidoyer. Ils ont pu déployer leurs arguments pendant les 55 minutes de la scène d’audience. C’est rare, au cinéma, de filmer une scène d’audience aussi longue. Dès les répétitions, on a vu que ça fonctionnait très bien. 


Louise : Certains propos énoncés par les avocats sont choquants. 


Charlotte : Eh oui. Ce sont des choses qui nous ont été rapportées par des mères protectrices.


Louise : Vous avez tourné combien de fois cette scène d’audience ?


Charlotte : On l’a tournée trois fois. Chaque fois en temps réel. On s'est assuré d'avoir une caméra toujours sur la personne qui parle et deux autres sur des personnages qui écoutent. Ça a simplifié le montage. Mais de manière générale, on a voulu couper le moins possible. 


Louise : Durant l'échange qui a suivi la projection au Club Marbeuf, tu as brièvement évoqué le fait d'avoir rencontré beaucoup d'obstacles pendant la création du film. Tu peux nous en dire plus ? 


Charlotte : C’est un sujet qui fait peur. Beaucoup de distributeurs refusaient de s'engager sur un film qui parle de ce sujet. Ils disaient que le public ne s'intéresserait pas à des questions aussi sensibles. Le titre les gênait aussi. Or moi j’étais catégorique, je voulais conserver ce titre.


Le déclencheur, ça a été la sélection à la Berlinale. Soudainement, plusieurs distributeurs ont contacté nos producteurs pour s’engager sur le film.


Je suis très heureuse que ce soit Jour2fête qui nous représente, car c’est un distributeur très engagé. 


Louise : L’argument “Ça ne va pas parler au public” est assez ironique, quand on connaît le nombre de personnes concernées. 5,4 millions d'adultes en France ont été victimes d’agressions sexuelles quand ils étaient enfants (rapport 2023 de la CIIVISE). 


Charlotte : C’est ça, et 160 000 enfants par an en France, donc 160 000 parents protecteurs au minimum (puisque l’agresseur n’est pas toujours le parent direct, ça peut être un oncle, un frère…) 


Louise : Et quatre fois plus de grands-parents ! Et puis des professeurs, des assistants sociaux… Ça en fait du monde concerné. 


Charlotte : Oui. Notre volonté c’est justement de soulever cette évidence. Tout le monde est concerné. On a pensé ce film comme un outil de débat, de formation. 


Louise : Tu as dit, dans différents échanges après projection, que tu voulais faire une fiction plutôt qu’un documentaire. Pour quelles raisons ?


Charlotte : Je viens du théâtre, de l’écriture, mais j’avais envie de quelque chose de cinématographique. Je voulais amener quelque chose de beau. Ce n’est pas parce qu'on est victime qu’on n’a pas le droit de voir du beau. On l’a vu avec L’Histoire de Souleymane. Or Arnaud a fait une école de cinéma, donc on pouvait faire du beau. 


Après, il a fallu trouver comment traduire de manière cinématographique les sensations qu’éprouvent les mères protectrices et leurs enfants. Cette justice qui écrase, qui étouffe, qui ne veut pas voir les choses. Le souffle coupé. On a choisi le format 4/3, qui illustrait bien la contrainte. Et on a contrasté cette violence avec ce lieu lisse, blanc, fait entièrement de verre, “transparent”. 


Ensuite, on s’est demandé comment filmer la scène d’audience. Est-ce qu’on se concentre sur celui qui parle, ou sur celui qui écoute ? On a fait le choix de se concentrer sur la mère. Quel effet ça lui fait d’entendre ces paroles extrêmement violentes ? Entendre toute sa vie être utilisée contre elle. Je pense que c'était le bon choix. 


Louise : Je trouve aussi. Car voir la mère réagir, ça nous autorise à ressentir, à se mettre à sa place. En plus, Myriem joue extrêmement bien.


Dans cette scène d’audience, il y a quelque chose qui m'a beaucoup étonnée. C’est l'avocat de l’agresseur qu’on entend en premier, et c’est seulement à la fin que la parole est donnée à la mère. C'est un effet de mise en scène ou les audiences se passent vraiment comme ça ? 


Charlotte : Ce n’est pas un effet de mise en scène, c'est vraiment dans cet ordre-là lorsque le père a saisi le juge des enfants. C'est d’abord l’avocate du père qui commence, puis l'avocate de la mère, ensuite l’avocat des enfants, puis le père, et enfin la mère. 

Et comme dans le film, ils sont assis très proches les uns des autres. Cette proximité est vraiment terrifiante. On sent le corps de l'autre, le corps qu'on a aimé, avec qui on a eu des enfants. 


Louise : Tu proposes des personnages imparfaits, humains. Tu nous mets dans la posture de la juge qui doit démêler le vrai du faux. Parfois, tu nous fais presque douter de la véracité des propos de chacun. C’était important pour toi, qu’on doute ?


Charlotte : Oui, car le doute est toujours là. Parfois, il permet de respirer, de supporter. Même des années après, on se prend à dire “Mais c'est fou quand même, est-ce qu'il a vraiment fait ça ?” Même l’enfant, à un moment, va se dire “Non, ce n'est pas vrai. Comment mon oncle, mon père, mon cousin, mon frère est-il capable de faire ça ?” Et je pense que ce doute, il faut l'entendre. 


Tu as évoqué tout à l'heure le mensonge et la vérité. Est ce qu'un enfant peut mentir ? Oui, comme tout le monde, mais il revient vite sur ses dires. Et dans le cas de révélation d’inceste, non, je pense que non. Car l’enfant dénonce quelqu'un qu’il aime, en qui il a confiance. C’est très dur pour lui.


Si on ne croit pas l’enfant, ou si on le croit mais qu’on ne répond pas bien à ses révélations, l’enfant perd la confiance qu’il porte envers les adultes. 


Louise : Dans Mères en lutte, on voit des bouts de rencontres organisées par la CIIVISE. Un homme de 38 ans explique qu'il n'a pas du tout été soutenu par sa famille quand il a fait part des violences qu’on lui faisait subir. Il explique qu'aujourd'hui, il a lui-même des enfants et il doute de sa capacité à les élever. 


Charlotte : À partir du moment où il y a des soins, on peut se reconstruire. 


Mais actuellement, le système n’est pas adapté. Le personnel n’est pas correctement formé pour prendre en charge ces enfants. C'est extrêmement triste. Il y a de très bons lieux d'accompagnement qui se montent, mais pas suffisamment, et pas partout. Il y a malheureusement des enfants qui ne seront jamais pris en charge. Et même quand il y a des lieux dédiés, il faut attendre trois ou quatre ans pour entrer dans un processus de soin. Et en attendant, qu'est-ce qu'on fait de l'enfant qui décroche scolairement, qui ne veut plus sortir dehors, qui ne s'aime plus, qui n'a plus confiance en lui, qui a envie de mourir ? Ou de l'adolescent qui va avoir des conduites à risque, des prises de produits ou des scarifications ?


Le message qu’on envoie aux mères protectrices qui sont témoins de ça, qui sont impuissantes face à ça, il est grave. On leur retire la garde. On les met en prison.


Louise : Avant de voir ton film, je n'aurais jamais imaginé qu'en essayant de protéger quelqu'un, on pouvait se retrouver en prison. Ça paraît tellement illogique. 


Charlotte : Si on protège son enfant, on risque d'aller en prison. Si on ne le protège pas, on risque d'aller en prison.


On va souvent conseiller à la mère qui se rend au commissariat suite aux révélations de son enfant de déposer une main courante plutôt qu’une plainte. On va lui dire “Si vous gardez votre enfant, le père risque de déposer une plainte de non-présentation d'enfant”. Et souvent, c’est le cas. 


Lorsque les révélations ont lieu juste après l’agression, on va emmener l’enfant aux urgences médico-judiciaires où l’on fera des constatations. 


Bien souvent, le père va nier complètement et accuser la mère soit d'aliénation parentale, même s’il n’est normalement plus autorisé d'utiliser ce concept-là, soit de conflit parental. La justice va souvent aller dans son sens. Tout simplement parce que c’est ce qu’on enseigne aux futurs magistrats. “Attention à la mère, on ne sait jamais. Elle est peut-être contre le père et manipule son enfant pour obtenir gain de cause”. 


L’enfant, lui, va avoir des comportements violents, destructeurs. C’est la mère qui va devoir gérer ça au quotidien. En la voyant dans la rue, comme Alice dans le film, on va se dire “Elle ne sait pas gérer ses enfants. Mais qu'est-ce que c'est que cette mère ?” Mais on ne connaît pas la vie des gens. Il lui a sans doute fallu beaucoup de temps pour convaincre son fils de mettre ses baskets. Peut-être qu’il a passé la veille à dire “Moi je n'irai pas. Je ne veux plus.” car on l’a déjà fait témoigner plusieurs fois. 


Oui, la mère paraît souvent complètement dysfonctionnelle. Mais n’importe qui devient dysfonctionnel quand son enfant a été violé. 


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Louise : [QUESTION SPOILER] Tu l'as dit, la plupart des mères protectrices et leurs enfants n'obtiennent jamais gain de cause. La mère finit parfois même en prison, doit payer une amende parce qu'elle a privé le père de son enfant, pour que l'enfant ne subisse plus les agressions. Parfois, l'enfant est mis en foyer. Toi, tu as choisi une fin ouverte, qui laisse entendre qu'il se profile peut-être quelque chose de positif à l’horizon. C'est important pour toi de donner un message de courage, d'optimisme ?


Charlotte : Comme on avait l'idée de ne raconter que la matinée d'audience, et qu’on n'avait pas forcément envie de mettre un carton à la fin expliquant la résolution, on voulait rester sur cette sensation de “C'est terminé, maintenant on reprend une vie normale”.


La fin donne en effet une indication sur l’avenir, mais la décision de justice n’a pas encore été rendue. A priori c'est bon, mais on n'en sait rien. 


Mais c'est vrai qu'on voulait amener quelque chose d’un peu lumineux. 


Au cours de l'audience, la mère retrouve sa place de mère. Avec ses enfants, ils ont été entendus, on leur a dit “On vous croit”. Et ça, je pense que c'est réparateur. La justice peut réparer. Même si ça n’effacera pas les souvenirs. Une odeur, un lieu peut ré-enclencher les traumatismes. Ce n'est jamais vraiment fini.


Louise : On va passer à des questions un peu plus légères. Comment vous êtes-vous rencontrés avec Arnaud ? Qu'est-ce qui vous a poussé à travailler ensemble sur ce projet ? 


Charlotte : Je travaillais sur un projet de film autour du dépistage, de la prévention, des centres de santé sexuelle. J'avais commencé à écrire un scénario et puis j'ai vu un clip d'Arnaud. Je me suis dit “C'est ça que je veux.” J'ai trouvé son nom, j'ai vu qu'il était en Belgique, et je l’ai contacté sur Instagram, tout simplement. On s'est rencontrés, on a travaillé longtemps sur ce projet-là, qu’on a mis de côté puisqu’entre temps, on a obtenu l’aide pour On vous croit.


On a constaté que notre duo d'écriture fonctionnait très bien. On a donc tenté le duo de réalisation. Et ça a fonctionné, donc c'est chouette. 


Louise : Vous aviez tous les deux exactement le même rôle en tant que co-réalisateur et co-réalisatrice ?


Charlotte : On n'a pas les mêmes parcours. Arnaud a fait une école de cinéma, pas moi. Mais j’ai quand même fait du théâtre, donc j’ai déjà travaillé sur des mises en scène. 


Nos rôles se sont naturellement découpés : de mon côté, j’ai apporté toute cette recherche sur l'inceste et sur les ressentis et émotions des personnages. Arnaud avait déjà fait de la direction d'acteurs et il connaissait déjà Myriem. 


J’ai aussi beaucoup travaillé avec la jeune fille, Adèle, qui joue la sœur. Elle se questionnait sur le fait qu’on ne la voyait pas beaucoup dans le film. Je lui ai expliqué que ça montrait justement quelque chose.


Louise : Oui, si on voyait plus les enfants, ce serait moins parlant. On verrait moins l’invisibilisation.


Charlotte : Exactement.


Et maintenant, Arnaud travaille sur trois autres projets. Moi, j'espère reprendre le projet sur lequel on a un peu travaillé ensemble, celui dont je parlais plus tôt.


Louise : Plaisir, c’est ça ?


Charlotte : Tout à fait. Sur la relation soignants / soignés, qui me passionne. J'espère vraiment faire ce film, et le faire avec de vrais soignants.


Louise : Tu disais après la projection que si on veut que ce sujet émerge, il faut la force du collectif. Cette conviction est visible dans la création, je trouve ça chouette : vous êtes deux co-réalisateurs, vous avez travaillé avec de vraies mères protectrices, de vrais avocats, des comédiens, la CIIVISE…


Charlotte : Tout à fait. On part de l’intime vers le collectif.


Louise : Le film a déjà reçu une dizaine de prix, parmi lesquels la mention spéciale du jury de la section Perspectives de la Berlinale. Tu te sens comment à quelques semaines de la sortie en salles ? As-tu déjà une idée des dates où les spectateurs et spectatrices pourront te rencontrer à l'issue d'une projection ? 


Charlotte : Alors comment je me sens… C'est très bizarre parce que je continue mon travail. La journée je suis en salle de soins à faire des injections, le soir je suis dans une salle de cinéma à faire des présentations. Ça permet de garder les pieds sur terre, mais ça va vite. 


Mais voilà, on est heureux. 


Pour le moment, les retours sont vraiment bons. On reçoit beaucoup de prix du public. C'est très encourageant parce que le public, ce sont les gens qui viennent en salle. Le week-end dernier, j’ai eu de supers échanges à Limoges et à Aix. Un vrai partage. 


Jusqu'à la sortie, on a encore quelques projections suivies d’échanges à Rouen, Orléans, Créteil, Arras et Budapest. Le 3 novembre, il y aura l'avant-première au cinéma UGC Ciné Cité Les Halles, mais je ne crois pas qu’il y aura de débat. Les associations partenaires (la CIIVISE, le collectif Enfantiste, le Planning familial…) vont aussi organiser des séances suivies d’échanges dans les semaines à venir à Pantin, Ivry, Nantes, Bordeaux…

Et puis après, le film va sortir en salles… 


Louise : Tu disais qu'il y avait beaucoup de prix du public, mais il y a aussi pas mal de prix des jeunes. C’est bon signe, non ?


Charlotte : Je pense qu'on a une jeunesse hyper engagée aujourd'hui sur les questions liées à la discrimination, aux violences, et à la place des femmes dans la société. On est ravis que la jeunesse s'engage sur ces thématiques. Elle a envie d'autre chose ! 


Louise : On arrive à la fin de notre entretien. Comme il est de coutume à la fin de chaque échange du Dernier Mot de Trop, je vais partager des citations, toutes deux tirées du documentaire Mères en lutte


La première, c’est celle d’une mère protectrice : “Si je suis triste, ils disent que je suis dépressive et anxieuse. Et si je suis forte, ils disent que je suis hystérique.” 


La deuxième, c’est celle du juge Durand “Si elles révèlent les violences que l'enfant a exprimées, elles risquent de tout perdre, d'aller en prison, de perdre la garde de leur enfant. Si elles ne disent rien, elles risquent de tout perdre, d'aller en prison, de perdre la garde de leur enfant. Ça dit quelque chose de l'attente sociale à l'égard des femmes. Être responsable de tout, tout le temps.” 


Louise : Charlotte, si tu devais résumer le parcours d’Alice et des mères protectrices en général, quel est le premier mot qui te viendrait à l'esprit ?


Charlotte : La lutte.


Louise : Un immense merci Charlotte. On vous croit sort le mercredi 12 novembre 2025. Soutenez ce film important en vous rendant en salle dès la première semaine, et surtout, parlez-en autour de vous !


Propos recueillis le 20 octobre 2025 par Louise Devillers. 

Captation filmée et montée par Joa Mauduech disponible sur YouTube.


Sources : 

  • “Violences sexuelles faites aux enfants : on vous croit”, rapport de la Commission Indépendante sur l’Inceste et les Violences Sexuelles faites aux enfants (CIIVISE) (2023)

  • “Mères en lutte”, documentaire de Johanna Bedeau (2024)


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